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La guérilla virtuelle de militants pro-Israël contre les sympathisants propalestiniens en France

« Envie de vous faire plaisir ? Donnez-nous des cibles. S’ils méritent on les trolle. » Petits émojis clin d’œil et téléphone à l’appui, les administrateurs du groupe Telegram « Brigade juive », récemment rebaptisé « Dragons célestes » − une référence à une caste qui dirige le monde dans le manga One Piece, jugé parfois antisémite −, sont en quête d’une nouvelle proie à « troller » pour commencer 2024. Le terme exact serait plutôt « doxer », expression anglaise désignant le fait de publier les coordonnées personnelles (adresse, numéro de téléphone…) d’une personne sans son consentement, dans le but d’inciter à son harcèlement.
La panne d’inspiration ne dure pas. Le téléphone personnel d’un journaliste sportif est publié sur le canal le 8 janvier ; puis celui d’un streameur Twitch. Tous deux sont accusés de relayer des messages propalestiniens. Le lendemain, c’est une figure conspirationniste belge qui est ciblée, là encore avec publication d’informations personnelles. Le 12, un journaliste du média AJ+, filiale de la chaîne qatarie Al-Jazira. Le 19, trois militants toulousains du collectif Palestine vaincra. Le 21, une militante de La France insoumise (LFI). Tous recevront des appels par dizaines, des messages malveillants ou des menaces sur leur téléphone portable.
Le conflit entre Israël et le Hamas est aussi une guerre de propagande qui se mène sur des fronts parfois virtuels. Les actes et propos antisémites ont explosé en France, notamment sur les réseaux sociaux, selon le Conseil représentatif des institutions juives de France. Sur ces mêmes réseaux s’ajoute une offensive tous azimuts des soutiens d’Israël, avec des méthodes déjà employées quelques années plus tôt contre les animateurs du mouvement propalestinien BDS (boycott, désinvestissement et sanctions), qui appelait à boycotter les produits israéliens.
Le parquet de Paris confirme avoir reçu au moins cinq plaintes relatives au seul groupe « Brigade juive ». Une enquête préliminaire est ouverte, confiée à la brigade de répression de la délinquance à la personne, sous la direction du pôle national de lutte contre la haine en ligne. Outre ce groupe, plusieurs autres activistes, dont certains regroupés sous la bannière de « Swords of Solomon » (« les épées de Salomon »), se sont fait une spécialité du « doxing » utilisé comme un moyen d’intimidation, de façon, sinon industrielle, du moins très organisée. Ils ont tous pour point commun d’être anonymes.
La méthode est perfectionnée et ne se limite pas à la publication de coordonnées. « Des numéros israéliens ont appelé en boucle et en nombre », raconte, sous le couvert de l’anonymat, l’un des animateurs de Cerfia, un compte consacré à l’actualité sur le réseau social X, dont trois membres ont été ciblés en novembre 2023 par la « Brigade juive ».
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