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Au Canada, le droit à mourir dans la dignité est entré dans les mœurs

Le Canada marque une pause dans l’élargissement de sa loi sur « l’aide médicale à mourir ». Le 1er février, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a annoncé reporter à 2027 la disposition permettant aux personnes atteintes de maladie mentale de faire une demande d’euthanasie. Cette extension de la loi était initialement prévue en mars 2024, mais « le pays n’est pas prêt », a argué le ministre de la santé, Mark Holland, pour justifier son report après les élections fédérales prévues en 2025.
Les provinces et les territoires canadiens consultés, ainsi que les parlementaires, notamment les élus conservateurs, réunis au sein d’un comité chargé d’émettre des recommandations, avaient tous fait part de leur opposition à cet élargissement. Des psychiatres avaient plaidé qu’il serait difficile, voire impossible, pour les médecins appelés à évaluer de telles demandes, de décider qu’une maladie mentale, telle qu’une schizophrénie, « ne pouvait pas être traitée » pour accéder à la requête du patient, ou de juger que celle-ci était « rationnelle ». Tous ont insisté sur la nécessité de garantir un meilleur accès aux soins, sur l’ensemble du territoire, aux personnes atteintes de troubles mentaux, avant d’envisager de leur accorder ce nouveau droit.
La loi canadienne sur l’euthanasie est déjà l’une des plus libérale au monde. Elle a été votée en juin 2016 sous la pression conjointe du Québec, qui avait légiféré sur le sujet un an auparavant, et de la Cour suprême du Canada, qui enjoignait au gouvernement de se mettre en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés, reconnaissant à chaque individu la liberté de disposer de son propre corps. D’abord réservée aux personnes atteintes de « maladie grave et irrémédiable, occasionnant des souffrances physiques ou psychologiques intolérables » et dont « la mort naturelle est raisonnablement prévisible », la législation a évolué en 2021 en assouplissant les critères d’admissibilité. Le pronostic vital du demandeur n’a plus besoin d’être engagé à court terme, par exemple dans le cas de maladies chroniques invalidantes, pour que la requête, systématiquement examinée par deux médecins, soit jugée recevable.
Le programme canadien d’aide médicale à mourir (AMM) autorise deux types d’assistance : un patient peut se voir administrer un produit létal par un médecin ou une infirmière, ou choisir de l’ingérer lui-même en présence d’un proche ou d’un membre du personnel médical. Le « suicide assisté », tel qu’il se pratique notamment dans l’Etat américain voisin de l’Oregon, reste cependant rarissime. Les dernières données établies par le rapport annuel de l’AMM révèlent que sept personnes seulement à travers tout le pays y ont eu recours en 2022. Enfin, il faut être majeur pour déposer une demande, et résident canadien – le système d’Assurance-maladie de chaque province prenant en charge le coût financier de cet acte médical.
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